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La vie rousse
17 juillet 2014

Irène Jacob et l'assassin qui assassine

 

J'ai aimé ce dimanche, ses gouttes de pluie et sa nostalgie ambiante à laquelle il faut bien que je me fasse.
J'ai partagé un hot-dog avec R. rue du Nil. Bien sûr j'ai repensé à notre premier dîner dans le restaurant de la même rue, il y a quatre ans. J'étais très amoureuse ce soir là, sa robe lui allait bien et j'étais heureuse qu'on nous serve du jus de fruit Alain Milliat. Le lendemain nous étions parties au Havre, sur un coup de tête, et nous en rions encore aujourd'hui.
En quatre ans le restaurant est devenu hors de prix et systématiquement bondé, mais leur boutique attenante fait des petits déjeuners et des hot-dogs avec du pain de chez G. Cherrier. J'ai souri en faisant la queue et j'ai glissé au Renard que je ne trouverai jamais quelqu'un d'aussi bobo que lui pour retomber amoureuse.

Un peu plus tard nous avons patienté sur le parvis de l'Hôtel de Ville, le temps que nos pastéis de Nata refroidissent. J'étais ravie de voir que la petite échoppe (Comme à Lisbonne, rue du roi de Sicile) s'est transformée en café et je me suis jurée d'y retourner dès que possible.
Kid Wise s'est mis à jouer et nous avons pensé à Sofia Coppola en même temps. J'aimerais que l'amour se définisse comme ça: la regarder rire sous un jet d'eau, penser à Coppola en même temps et se brûler les doigts en mangeant nos pastéis.
Il y en aura d'autres, j'essaie de patienter, le temps est très long.

 

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En attendant de reprendre ma liste des 101 choses (pour tout dire l'ordinateur qui la contient est déchargé et je n'ai pas envie de chercher le chargeur) je vous laisse avec un petit texte.

En rentrant de mon stage j'écoutais mon émission de radio préférée à podcaster pendant un an et à écouter pendant mille jours (je ne sais pas pourquoi mais la formule m'enchante).
En entrant dans le métro, F.Treussard annonçait le Jeu des suppositions dont le principe est le suivant:
Des textes à chute calembourgeoise et avec une entame s'adressant à un interlocuteur surnommé pour l'occasion "suppose que tu t'appelles..." . Le nom ainsi octroyé doit permettre à la fin du récit d'attérir sur un joyeux calembour à lire à haute voix.
Alors que Jacques Jouet lisait son texte, je jouais à en inventer un moi aussi. Par hasard, J. Jouet finissait par la même référence que moi en guise de calembour et j'ai décidé qu'il fallait que j'écrive le mien, qui s'adresse donc à vous (la contrainte formelle m'obligeant au tutoiement).

Suppose que tu t'appelles Myra (ça aurait pu être une référence à Vincent Delerm et à moi-même mais ça n'en est pas).
Il y a quelques années, ta voix n'ayant pas encore mué, certains de tes interlocuteurs téléphoniques te prennaient pour une fille quand tu annonçais ton prénom. Tes parents t'appellent affectueusement "Mimi" et il arrive que ce surnom gâche encore quelques unes de tes journées, lorsqu'ils ont le malheur de te croiser en présence d'amis.
Mais qu'importe Myra, désormais tu es un jeune homme. Dalida se ravirait de ton âge et le monde des possibles s'offre à toi puisque, ton baccalauréat en poche, tu quittes enfin le lycée François Villon. Pourtant, ce début d'été te rend morose. De longs mois d'inactivité t'attendent et, surtout, tu ne verras plus Sophie.
Il n'y a pas grand chose qui t'intéresse Myra, tu n'es pas doué en natation, les livres t'ennuient et tu t'endors au cinéma. Mais Sophie, c'est une autre paire de manches. Tu te découvres une foule d'intérêts foisonnants et éclectiques depuis que tu la connais. Il y a eu la période où Sophie aimait les gymnastes et où tu as passé un mois à sauter sur un trampoline; la période où elle s'est passionnée pour l'Egypte ancienne et où tu t'étais déguisé en momie pour le carnaval; ou encore la période où Sophie s'est mise à cuisiner et où vous avez passé une journée entière sous la pluie d'octobre, à chercher des champignons comestibles au bois de Vincennes, en vain.

Alors quand au début du mois de juin, Jérôme t'a proposé d'assister à un café politique animé notamment par Sophie, tu as accepté d'emblée, prêt à t'investir pour toutes les nobles causes de ce monde.
Il faut dire que tu n'avais pas beaucoup de convictions jusque là, Myra. Tu as bien tenté de t'intéresser à l'actualité, mais tu t'emmêles toujours en essayant de lire les journaux que reçoivent tes parents. Excédé, tu finis par les replier n'importe comment, un peu comme les cartes routières ou comme les notices dans les boîtes de médicaments.


L'été est radieux et tu te fais chaque jour de nouveaux amis. L'engagement politique te plaît. Les amis de Sophie sont, pour la plupart, des étudiants en histoire, en lettres, en physique ou en philosophie. Tu es impressionné par leurs idées et leur entrain. Ils croient fermement en la nécessité d'une révolution. Votre groupe croît rapidement, vous rejetez les étiquettes classiques, vous clamez n'être ni communistes, ni marxistes, ni maoistes, ni castroistes. Vous vous définissez comme anti-capitalistes et l'idée te convient, d'autant que c'est Sophie qui écrit les slogans.
Vous construisez un petit local sous le pont de Grenelle pour entreposer du matériel, des banderoles et, le plus souvent, pour boire des bières en refaisant le monde.
La chaleur estivale vous enivre et beaucoup d'entre vous réclament d'avantage d'actions concrète. Toi Myra, tu attends toujours d'entendre l'avis de Sophie avant de prendre position. Sophie pense que seul un acte fort vous permettrait de vous faire entendre. Elle propose d'empêcher la première réunion du Conseil des Communautés européennes et de brûler symboliquement le traité de Rome pour montrer la désapprobation populaire face à l'avenir qui se construit. Tu te demandes si ce n'est pas un peu terroriste - c'est que tu n'aimes pas trop la violence Myra- mais tu approuves, car ce que Sophie veut...

Le mois de juillet approche et chacun est affairé à préparer votre grande action révolutionnaire. Tu es assigné à des tâches logistiques et tu ne comprends pas vraiment tout ce qui se trame, mais tu es heureux. Chaque soir près du local, tu raconte à Sophie tes travaux du jour et tu rougis de l'entendre te féliciter. Elle est devenue très inaccessible le reste du temps, puisqu'il a été décidé que ce serait elle qui mènerait à bien votre complot. 
Ton enthousiasme s'éteint pourtant brutalement le 29 juin au matin. Alors que tu rentre d'une campagne d'affichage nocturne, tu croises Jérôme qui te propose d'aller boire un café.
Vous vous installez et parlez du grand projet qui vous anime. Soudain Jérôme, bouillant d'excitation, s'exclame "Je crois que je ne vais plus parvenir à dormir! Depuis hier soir, quand Sophie a pris le train pour Bruxelles, je trépigne d'impatience."
Tu sens ton estomac se contracter et demande "Comment ça Sophie a pris un train pour Bruxelles? Elle y reste combien de temps?".
Jérôme te répond en baissant la voix "Comment veux-tu qu'elle mène notre affaire si elle n'est pas sur place? Elle y reste jusque l'an prochain. Ses parents n'ont accepté de payer le billet de train qu'à la condition qu'elle s'y dégote une place comme fille au pair. Ils pensent que ses fréquentations parisiennes ne lui font pas du bien, ajoute-t-il en ricanant."
Tu peines à mâcher ta tartine et pense à la journée qui t'attend. Toute ton energie semble t'avoir quittée et tu trouves soudain votre projet dangereux et ridicule. Un peu ému tu finis par demander "Mais, ce n'est peut-être pas très prudent... Cette révolution tu crois qu'elle est vraiment nécessaire?".
Jérôme semble étonné par ton changement d'humeur. Il te répond pourtant avec calme " Je crois que oui et, à vrai dire, je ne suis pas le seul à le penser: sous le pont, Myra, beaucoup l'assènent."


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