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La vie rousse
31 décembre 2014

Belette qui vole n'amasse pas mousse




J’essaie de me purger des pensées.
Je ne sais pas si j’ai encore le droit d’écrire sur elle.
Quand j’ai un doute, je fais comme si j’avais le droit.
On dira qu’on ne savait pas.

 

 

Ce n’est pas une fille qu’on sauve. C’est une fille qu’on regarde se sauver en se disant Comme elle est belle. Elle se sauve en courage. Elle se sauve d’amour pour la vie. Elle se sauve, à la volette (moi je croyais que dans la chanson ils disaient « à la belette »).
C’est une fille dont on ne se méfie pas, alors qu’elle annonce dès le départ « mon livre préféré c’est le Lys dans la Vallée ». Quand on a vu quelques Doinel, on sait bien que les lecteurs de Balzac sont charmants mais qu’ils font pleurer les filles.
Elle sait agir sans jamais se compromettre, sans jamais dire, sans jamais demander. C’est une fille qui passe ses mains sur le ventre affolé en laissant des traces brûlantes et qui, plus tard, affirme en souriant « c’est toi qui es venue, c’est toi m’as embrassée ».
Il m’arrive de me demander : Et si chaque fois j’avais tout inventé ?

Vraiment, c’est une fille qui ne demande rien. Quand elle n’a plus de courage il lui reste de la fierté. Châtelet, escalator, ligne 14, j’ai lancé un peu trop fort « la fierté, l’orgueil, l’honneur, ça ne sert strictement à rien et c’est de la merde ». La dame qui passait par là et elle m’ont adressé un regard réprobateur.
C’est une fille dont j’aime les dents. Pas des dents ennuyeuses d’appareil dentaire qui font un sourire semblable à mille autres. Des jolis crocs. Des petits crocs qui mordent et qui rient. Avec L. Tigrinus elle jouait à qui des deux laisserait les traces de morsures les plus larges sur mes mains. Elle perdait.

C’est une fille qu’on admire. Même sa copine, avec son agrégation, sa thèse sur un auteur que je ne connais même pas (à part d’une chanson de V. Delerm que je n’écoute plus depuis) et ses années en plus. On admire cette fille qui lit toujours le livre qu’on n’a pas lu, qui reconnaît l’air qui nous échappe, qui suit parfaitement l’actualité, qui connaît toutes les recettes, alors qu’on croyait qu’elle passait ses journées à jouer au renard.
C’est une fille qui ne s’offre pas le droit de se plaindre, elle a d’autres chats à fouetter, même si parfois on voit bien qu’elle aimerait que ce soit à son tour de se morfondre, de se laisser aller, de compter sur tout le monde sauf elle-même quand c’est trop lourd à porter.

C’est une fille qui doute pour de vrai, avec des chaînes qui font un bruit de grelots, le visage apeuré et le silence des gens qui se sentent indignes de prendre la parole.
C’est aussi une fille qui dit « Je crois que je n’ai pas trop de mal à séduire ». Une fille qui, quand elle a fini de se taire, balance ses diatribes implacables en un souffle ininterrompu, décidé et terrassant. Après on se sent bête et on est amoureux. Même quand ce qu’elle dit est faux ou de mauvaise foi. Après elle offre des cadeaux pour se faire pardonner de ne pas seulement être timide, de ne pas seulement être discrète, d’oser parfois.

C’est une fille qui ne connaît rien au cinéma et qui lit les fiches wikipédia des séries à la mode parce qu’elle a peur d’être bizarre en société.
C’est une fille imprévisible parce qu’elle est en oxymore, en contradictions, en mélanges complexes, en extrêmes. C’est une fille qu’on peut ne pas voir, une fille qu’on peut oublier après qu’elle ait disparu mystérieusement en se faisant minuscule. C’est une fille qui déconcerte, qui déplaît, parce qu’on ne la comprend pas. Et à la fin, c’est une fille qu’on ne peut plus oublier.  




C’est drôlement présomptueux, de vouloir garder quelqu’un pour soi, de s’en sentir digne malgré tout, malgré moi. Malgré mes yeux qui n’ont la couleur de rien de beau, mes mots plats, l’aplomb qui manque, une personnalité binaire, une personnalité où la complexité n’est pas richesse mais rappelle un problème de maths barbant qui donnerait mal à la tête et dont on finirait par dire De toute façon ça sert à rien ce truc.

J’aimerais bien avoir une grande sœur. Une grande sœur qui serait différente de moi mais qui quand même serait un peu passée par là. Ca serait une grande sœur qui, pour une fois, mettrait ses jugements et ses moqueries de côté, pour me mentir en douceur. Elle me dirait « Tu sais, c’est vrai qu’elle était chouette mais toi tu mérites beaucoup mieux. Si j’en crois ma vieille expérience (ma grande sœur et moi, on se ferait des clins d’œil en référence au Roi et l’Oiseau) tu vas aimer et être aimée par quelqu’un d’encore plus génial qui aura la décence de ne pas seulement te trouver drôle et qui trouvera que les thèses en littérature c’est surfait ». Elle mentirait avec l’aplomb de quelqu’un qui est persuadé de ce qu’il affirme.
J’aimerais bien une grande sœur qui supporterait mes pleurnicheries, et qui se vengerait secrètement en continuant de me laisser croire que, dans la chanson, l’oiseau a pris sa volée à la belette.

 

virginiawolf
(Vanessa & Virginia par Isabelle Arsenault c'est beau beau beau, non?)

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