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La vie rousse
6 juin 2014

Michoko, boîte à gants

japon

 

 

 

Cette nuit je dors chez ma grand-mère.
Je n'y avais pas fait attention, trop occupée par mes ahlala avec le Renard, mais je me suis rendue compte en me tortillant dans les draps trop serrés du lit de ma grand-mère (elle fait les lits à la française, où c'est à la fois un bonheur de sentir la propreté du drap bien tendu et un calvaire pour s'y glisser) que ça faisait une éternité que ça n'était pas arrivé. 
Je pense que la dernière fois remonte au moins à 10 ans. 

Il y a toujours le bruit de la télévision, les feuilletons policiers en fond sonore et puis, rapidement, les ronflements de ma grand-mère qui s'endort toujours devant. Il y a les vieux exemplaires de Zola, et Le Parfait Secrétaire édité chez Larousse. Il y a le tic-tac un peu oppressant des multiples horloges. Je me demande si quand on vieillit, on ressent d'avantage le besoin de s'assurer que le tempo du temps qui s'écoule reste bien toujours le même. 

Il y a les lumières dehors qui ont changé. Petite, je m'éveillais souvent la nuit et j'écartais les rideaux légers (je n'aimais déjà pas qu'on ferme les stores ou les rideaux plus épais) pour regarder dehors. Elle habitait près du périphérique et j'étais à la fois fascinée et effrayée par les lumières oranges et jaunes qui se succédaient toute la nuit et éclairaient la chambre. 
Maintenant il n'y a que la lumière d'un lampadaire assez lointain et le calme du 15e arrondissement. Il fait plus sombre que dans ma chambre et les horloges m'oppressent un peu.

Petite, je faisais toujours une prière avec ma grand-mère avant de nous coucher dans son lit qui me paraissait immense. Cette nuit j'ai le lit pour moi toute seule, il me paraît plus petit et je n'ose pas formuler ma prière.

 Je m'efforce de  ne pas faire de bilan. Les bilans c'est beaucoup de mal pour rien, comme les photos, les mails, les souvenirs qui trottent (et ces foutues horloges aussi, allez quoi, trottez moins fort, on a compris l'idée). 

Je ne sais pas trop à quoi d'autre se prête une nuit où l'on retourne dans les mêmes draps qu'il y a 10 ans en étant devenue adulte entre temps.

J'engage la conversation avec J. qui me parle de son repas du soir: des pâtes en conserve. 
Ca me fait rire, je peste un peu moins intérieurement contre les horloges et la vie qui mord, je cherche sur google et découvre qu'il ne plaisante pas et que ça existe
J'essaie de ne pas trop juger en me rappelant qu'en prépa je mangeais du chili-con-carne en conserve, que durant mon année à l'étranger je mangeais des hamburgers industriels (et qu'il m'arrivait même de photographier mes repas pour nourrir un blog commun -avorté-  avec le Renard).

Je pense aux deux cordons-bleus que ma grand-mère tient absolument à me refiler pour chez moi. "Promis Mamie, j'ai tout ce qu'il faut." "Mais non ma fille, faut bien que tu manges"."Certes mais...".

Je crois que je vais suivre les conseils du Renard et pâtisser. Quand je passerai quelques jours chez J. j'essaierai de cuisiner quelque chose de bon. A la fois pour le remercier et aussi parce que je suis devenue cette personne qui sent une boule dans son ventre quand elle se trouve dans un endroit autre que sa maison pour dormir, et que la nourriture y est mauvaise.

Je me dis que c'est étrange de me demander tout le temps ce que le Renard fait, là tout de suite. D'aller sur les sites internets qu'il fréquente comme si l'espoir de lire la même chose au même moment pouvait compenser un peu l'éloignement.
Quand le son de la télévision sera devenu un chuchotement, j'allumerai la lumière pour lire Flóki et Flóki en songeant à l'ironie de mes lectures. Mais toutes les chansons racontent la même histoire, et c'est sans doute un peu pareil pour les livres.

 

 

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